Aussi naturelles et saines que soient les menstruations, elles sont rarement abordées ouvertement au Bangladesh. Selon une enquête nationale sur l'hygiène réalisée en 2018, à peine 53 % des adolescentes d'âge scolaire avaient entendu parler des menstruations avant d'avoir leurs premières règles.
De nombreuses filles sont livrées à elles-mêmes à la puberté, sans bénéficier de conseils appropriés sur la manière de prendre soin d'elles lorsqu'elles ont leurs règles. Les serviettes hygiéniques sont considérées comme des articles de luxe car elles sont souvent impayables pour ces jeunes filles vivant dans les zones rurales du Bangladesh.
Mais même si les serviettes hygiéniques étaient abordables, beaucoup de filles et de femmes hésitent à aller les acheter car les pharmacies et les magasins sont généralement tenus par des hommes.
Au Bangladesh, de nombreuses filles ne vont donc pas à l'école lorsqu'elles ont leurs règles. Près d'un tiers des adolescentes font l'école buissonnière pendant quelques jours chaque mois, la plupart du temps pour éviter des accidents embarrassants en classe.
L'UNICEF veut mettre fin au tabou sur les menstruations et aux abandons scolaires qu'il provoque chez les jeunes filles.
Labonno avait l'habitude de se sentir gênée et peu sûre d'elle lorsqu'elle avait ses règles, mais depuis que son école de Barishal, au Bangladesh, a commencé à distribuer des serviettes hygiéniques gratuites et à donner des conseils sur l'hygiène menstruelle, un tabou a été brisé.
"J'avais l'habitude d'être gênée lorsque j'avais mes règles à l'école. Avant, on ne pouvait pas se procurer de serviettes hygiéniques ici et il n'y avait rien de prévu pour les jeter", explique Labonna, 14 ans. "Maintenant, je ne rate plus un jour d'école, même quand j'ai mes règles."
Depuis 2019, l'UNICEF soutient un projet visant à mettre en place des coins dits d'hygiène dans 31 écoles des districts de Pirojpur et Faridpur. Plus de 5 000 écolières ont désormais accès à des serviettes hygiéniques, des lingettes humides, du gel pour les mains et d'autres produits d'hygiène. Des installations sont également prévues pour que les serviettes hygiéniques usagées puissent être éliminées en toute sécurité.
"Il y a toujours des serviettes hygiéniques à disposition dans le coin hygiène", précise Mme Labonno. "Désormais, je note également mon cycle menstruel sur le calendrier afin de savoir quand j'ai mes règles. Maintenant, je suis préparée."
Chaque école désigne un enseignant chargé de s'occuper du coin hygiène, de veiller à ce qu'il y ait suffisamment de serviettes hygiéniques et d'informer les élèves sur les menstruations et l'hygiène menstruelle. A l'école de Labonno, c'est Wahida Khanam qui assume cette fonction. Elle est devenue une ambassadrice de l'hygiène menstruelle après avoir reçu une formation de l'UNICEF.
Elle explique aux élèves pourquoi les serviettes hygiéniques sont plus sûres et plus hygiéniques que les serviettes en tissu, qui peuvent provoquer des infections urinaires si elles ne sont pas lavées et séchées correctement. Elle leur montre également comment utiliser les sachets des toilettes pour leurs serviettes hygiéniques usagées.
"Le coin hygiène est essentiel. Les filles ont moins tendance à s'absenter de l'école, ce qui contribue à la qualité de l'enseignement", explique Wahida. "En outre, les étudiants et les enseignants masculins comprennent mieux ce que cela signifie pour une fille d'avoir ses règles."
Depuis la création du coin hygiène, le taux de présence des filles a augmenté de 25 %, ce qui est extrêmement important pour leur avenir. Si les filles accusent du retard dans leurs études, elles risquent d'avoir de mauvaises notes, ce qui peut convaincre leurs parents de les retirer définitivement de l'école. Et les filles qui ne vont pas à l'école courent un plus grand risque d'être mariées avant l'âge de 18 ans.
Furqan Ahmed, responsable de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène pour l'UNICEF au bureau local de Barishal, passe une grande partie de son temps à parler dans les classes pour faire comprendre aux étudiantes que les menstruations sont une fonction corporelle normale et non un secret qu'il faut garder caché. Il est parfaitement conscient des difficultés que rencontrent les filles lorsqu'elles ont leurs règles.
"Lorsque les filles ont leurs règles, elles se sentent souvent peu sûres d'elles et sont timides. Elles ne peuvent pas aller au marché pour acheter des serviettes hygiéniques car les vendeurs sont tous des hommes. Elles demandent alors à leurs mères, qui demandent à leurs maris. Ceux-ci vont ensuite acheter les serviettes hygiéniques, qu'ils donnent aux mères, qui les donnent à leur tour à leurs filles. Mais si les pères oublient de les acheter, les filles restent impuissantes", explique Furqan.
Il ajoute : "Mes filles peuvent toujours venir me voir et me demander directement ce dont elles ont besoin. Je m'en occupe alors immédiatement - sans aucune honte !"
Chaque mois, 1,8 milliard de personnes dans le monde ont leurs règles. Mais des millions de filles, de femmes, de personnes transgenres et non binaires ont des difficultés à gérer leurs règles de manière digne et saine en raison des tabous, de l'exclusion sociale, de la pauvreté et de l'insuffisance des services.
Cela a des conséquences considérables pour des millions de personnes. Leurs mobilité et leurs choix personnels s'en trouvent restreints. Leur fréquentation scolaire et leur participation à la vie de la communauté sont réduites. Enfin, leur sécurité peut être compromise, provoquant ainsi un stress et une anxiété supplémentaires. Ces problèmes sont particulièrement aigus lors de crises humanitaires.
L'UNICEF met en place des programmes qui renforcent la confiance en soi, les connaissances et les compétences - et améliorent l'accès aux produits et aux installations d'hygiène menstruelle - pour que les adolescentes, les femmes, les personnes transgenres et non binaires puissent gérer leurs menstruations en toute sécurité et dignité.