Reap Song, 26 ans, enseigne depuis six ans à des enfants âgés de 6 à 12 ans issus de ces minorités ethniques. Pour leur rendre le programme national accessible, elle l'a adapté à leur langue maternelle et à leurs coutumes culturelles.

Lorsque les écoles ont commencé à fermer en de nombreux endroits, comme ce fut le cas un peu partout dans le monde en raison de l'épidémie de COVID-19, sa première préoccupation a été de s'assurer que ses élèves puissent continuer à suivre les cours. Ce fut un défi énorme car les autres enfants avaient déjà du mal à ne pas prendre de retard. Mme Reap - comme tant d'autres enseignantes - a alors dû mettre les bouchées doubles pour pouvoir donner ses cours à distance.

Elle a reçu le soutien de l'UNICEF pour mener à bien son travail. En collaboration avec le ministère cambodgien de l'éducation, nous avons rapidement trouvé un moyen de permettre aux enfants et aux jeunes de poursuivre leur éducation à domicile. Nous avons développé du matériel et des vidéos pour soutenir l'apprentissage à distance et les avons mis à la disposition des étudiants et des enseignants dans tout le Cambodge. Nous avons également assuré la formation des enseignants.

Du matériel sur mesure a été produit pour les quelque 7.000 enfants des minorités ethniques dont la langue maternelle n'est pas le khmer, la langue officielle du Cambodge. Les programmes éducatifs multilingues ont ensuite été diffusés à la radio, un média qui atteint même les zones les plus reculées.

"Ce sont les enfants les plus vulnérables du pays", explique Katheryn Bennett, responsable des programmes d'éducation pour l'UNICEF au Cambodge. "Nous avons dû agir rapidement pour leur éviter d'accuser du retard et leur permettre de continuer à apprendre."

Dans les provinces du nord-est, la couverture Internet est au mieux peu fiable. Il n'était dès lors pas possible de leur faire apprendre en ligne à la maison comme dans d'autres parties du pays. La télévision posait également un problème, en particulier dans les zones plus montagneuses. La radio s'est donc avérée être le seul moyen pour donner les leçons aux enfants. Plusieurs ONG, très engagées dans le projet, n'ont pas hésité à distribuer des radios aux familles qui n'en avaient pas.

Kvas Em est une fillette de huit ans de la classe de Mme Reap. Elle a été très heureuse de pouvoir continuer à apprendre dans sa langue maternelle, le tumpoun, grâce au soutien de son professeur à domicile. Tous les mardis et vendredis soirs, elle et sa camarade de classe de deuxième année, Rocham Yhang, s'asseyaient dans la véranda de la maison de Kvas avec un petit transistor pour suivre les cours de mathématiques et de langue maternelle.

"Le programme radio m'aide beaucoup et le matériel pédagogique que j'ai reçu de mon professeur me permet de réviser mes leçons et d'apprendre à lire et à écrire en khmer", explique Kvas.

"Ce que j'aime le plus, ce sont les chansons du programme radio. Elles utilisent des rimes en tumpoun, ma langue maternelle, pour nous apprendre les 33 consonnes du khmer", explique-t-elle. "Les chansons sont très belles, et elles nous aident à nous souvenir de ce que nous avons appris en classe avant la fermeture de l'école. J'ai hâte de recevoir d'autres documents de ce genre-là. Nous pouvons ainsi continuer à apprendre par nous-mêmes."

Mme Reap explique que le plus grand défi est de donner à chaque élève le soutien dont il a besoin et de s'assurer qu'il progresse suffisamment. Le matériel conçu pour les étudiants multilingues est d'une grande aide.

"Du fait de l'apprentissage à distance, nous effectuons de nombreuses visites au domicile des enfants, non seulement pour assurer leur suivi, mais aussi pour encourager les parents à inciter leurs enfants à suivre les cours à la radio", explique Mme Reap. "C'est une tâche énorme de rendre visite à tous les élèves. En outre, chaque élève a des problèmes différents. Certains sont bons en lecture mais pas en maths et vice versa."

Ce n'est pas facile pour les élèves non plus. Rocham Yhang, un garçon de neuf ans de la classe de Mme Reap, le confirme : "Pendant la journée, je dois aider mes parents dans les tâches ménagères et pour la récolte. Je n'ai que quelques heures pour étudier. Ma classe me manque beaucoup, et mes amis encore plus."

"À cause de la COVID-19, de nombreuses familles ont du mal à joindre les deux bouts", conclut Mme Reap. "Dans certains cas, les enfants sont obligés de travailler pour subvenir aux besoins de la famille. Nous devons nous assurer que les parents n'oublient pas l'importance de l'éducation et soutiennent leurs enfants pour qu'ils continuent à étudier."

Mme Reap est l'une des enseignantes chargées de mettre en œuvre le plan d'action pour l'éducation multilingue au Cambodge (MEAP). Le programme a été lancé par le ministère de l'éducation, de la jeunesse et des sports, en 2015, avec le soutien de l'UNICEF. L'objectif est de fournir une éducation multilingue sur la base d'un programme scolaire aux filles et aux garçons appartenant à des minorités ethniques et de rendre ainsi l'éducation accessible à tous. L'éducation multilingue apporte une contribution positive à la participation des enfants à l'éducation et à la société.

L'UNICEF apporte depuis une dizaine d'années son soutien au développement de matériel pédagogique dans les cinq principales langues ethniques du Cambodge.

"L'enseignement dans la langue maternelle est un investissement de base important pour l'éducation de ces enfants", déclare K. Bennett. "Cela leur donne une bien meilleure chance de poursuivre et de terminer leur scolarité, et d'avoir une expérience d'apprentissage plus productive en général."