Imaginez des villages construits de façon intégrée, en collaboration avec les communautés locales, qui permettraient de combler certains manquements tout en se voulant respectueux de l’environnement. Et bien n’imaginez plus, ils existent et ils se trouvent à Madagascar. Si le premier remonte à 2022, aujourd’hui 6 sont en train de voir le jour sur le territoire malgache. Sans compter que 10 de plus s’ajouteront à la liste d’ici la fin d’année. Leur nom ? Les écovillages.
Les écovillages partent du constat que si la crise climatique a un impact global et généralisé, certaines régions sont cependant plus touchées que d’autres. Par conséquent, des solutions localisées et adaptées sont indispensables. « À Madagascar, il n’est pas possible de mettre en place une stratégie centralisée : la réalité est différente en fonction des districts et la culture varie aussi énormément en fonction des régions. Ces approches reposent sur la capacité des communautés à faire partie de la solution », nous explique Gilles Chevalier tout au long de l’entretien.
L’approche vise à créer un village résilient au climat et à faible teneur en carbone. Le but principal ? Fédérer les communautés autour d’un projet au sein duquel la population locale (enfants compris) sera sensibilisée à la réalité climatique, disposera de structures ainsi que de services sociaux résilients au climat et deviendra de ce fait actrice du changement. « L’idée c’est d’avoir une approche durable. Le principe de nos programmes c’est le renforcement du système et la résilience des communautés. Nous accompagnons donc ces dernières pour qu’elles soient équipées sur le long terme. Un écovillage va demander une mobilisation de fonds initiale, notamment pour la construction des infrastructures, mais la logique de gestion par les communautés est au centre du projet. »
Les écovillages disposent notamment de panneaux solaires ou encore d’un forage et d’une citerne qui desservent le village en eau potable, ce qui permet d’irriguer les jardins ou les potagers et de disposer de toilettes améliorées. « Le concept constitue un ensemble de solutions qui répond aux besoins vitaux pour l’épanouissement et le bien-être des enfants. Tous les secteurs clés de l’UNICEF y sont représentés : santé, nutrition, éducation, accès à l’eau, hygiène et assainissement. » Un projet qui a un impact significatif sur les petites populations. Cependant, pour étendre sa portée à un plus grand nombre de personnes, une mobilisation substantielle des ressources est nécessaire.
Si les écovillages améliorent déjà considérablement les conditions de vie des populations locales, le projet pourrait prendre davantage d’ampleur : « Si nous démontrons que les écovillages sont porteurs, durables et viables en termes d’autonomie financière, alors nous serons capables d’en développer davantage (…) Nous devrions progressivement pouvoir créer un cercle vertueux d’économie verte et bleue (relative aux océans, ndlr) sur lequel nous travaillons beaucoup en Europe et dans d’autres pays. Il n’y a pas de raison que nous ne puissions pas l’implémenter à Madagascar. »
À Madagascar (quatrième plus grande île du monde) la situation est globalement préoccupante, notamment en termes de droits de l’enfant. Particulièrement quand on constate que les indicateurs sociaux sont en recul permanent. « C’est probablement l’un des seuls pays dans le monde qui connaît une régression de ces indicateurs sociaux depuis son indépendance alors qu’il ne connaît pas de conflit. C’est d’autant plus alarmant que c’est un pays qui a beaucoup de richesses. » En effet, malgré une grande biodiversité, des ressources minières et une force de travail qui pourrait potentiellement être un atout majeur (puisque la population y est très jeune, plus de 50% a moins de 18 ans), la pauvreté et les conditions de vie y sont alarmantes. « L’insécurité n’est pas très grande, mais nous constatons que le niveau de pauvreté commence à impacter la tendance puisque la criminalité est désormais en hausse. »
Comme pour beaucoup de pays qui sont frappés de plein fouet par les conséquences de la crise climatique, Madagascar est l’un des moins pollueurs au monde. Et alors que le pays dispose de 5% de la faune et de la flore mondiale (80% des espèces s’y trouvent), 40% de sa couverture forestière a disparu entre les années 2000 et aujourd’hui, ce qui correspond à 80% de la biodiversité du territoire. « La crise climatique est réelle et visible à Madagascar. Ces dernières années, nous avons pu capitaliser sur cette visibilité pour faire reconnaitre par la Communauté Internationale l’extrême vulnérabilité de la Grande Ile. Ceci doit pouvoir nous aider à mobiliser plus de moyens pour protéger les enfants qui sont au final les premières victimes du Changement Climatique.»
Le CCRI (Indice des risques climatiques pour les enfants) démontre que Madagascar est l’un des 10 pays au monde où les enfants sont les plus à risque concernant les conséquences du réchauffement climatique. L’activité climatique enregistre des désastres cycliques de plus en plus intenses et récurrents. C’est notamment le cas des périodes de sécheresse, des cyclones et des inondations. « Nous avons à nouveau été touchés par une saison cyclonique assez forte, avec un grand impact sur le sud-est du pays. Nous avons également eu de grandes inondations dans le Nord, dues aux effets du phénomène El Niño, et avons connu un certain nombre de sécheresses dans le sud au cours des deux dernières années. Les populations peinent d’ailleurs encore en s’en remettre. À côté de ça, la présence de tout un tas d’épidémies est étroitement liée à l’activité climatique », conclut Gilles Chevalier.
Ces dernières années, les indications convergent et montrent que la crise climatique est à la base de beaucoup de problèmes. Il s’agit en tout cas d’un facteur aggravant une situation déjà existante.