"Je n'ai plus d'espoir. Je n'y crois plus", dit Baha'a en retenant ses larmes. Il a à peine 13 ans et se rend dans le garage de son oncle pour réparer une voiture.
En raison de la crise économique, le Liban connaît un profond marasme depuis trois ans. La pandémie de COVID-19 et l'explosion dévastatrice du port de Beyrouth ont encore aggravé la situation. La vie des enfants s'en ressent de plus en plus.
Les familles libanaises, syriennes et palestiniennes de tout le pays ont été poussées progressivement dans la pauvreté. L'impact sur la santé, le bien-être et l'éducation des enfants est dramatique et les liens familiaux se distendent très rapidement.
Lorsque Baha'a a réalisé que le salaire de ses parents ne suffisait plus à faire vivre toute la famille, il a décidé de se rendre chez son oncle pour travailler et aider ainsi ses parents à joindre les deux bouts.
Aujourd'hui, dans 20% des familles libanaises, un enfant travaille pour générer davantage de revenus pour la famille.
En raison de la crise économique et de la pauvreté à laquelle ils sont confrontés, les enfants ont perdu tout espoir en l'avenir et leur santé mentale a pris un sérieux coup.
Des études de l'UNICEF montrent que de nombreuses familles au Liban vivent dans une pauvreté multidimensionnelle en raison du taux de chômage élevé. Elles ne gagnent pas assez et ne peuvent plus subvenir aux besoins élémentaires de leurs enfants.
Presque toutes les familles ont vu leur vie changer radicalement. Même les familles qui appartenaient à la classe moyenne ont beaucoup de mal à boucler les fins de mois en raison de l'inflation constante, de la hausse des prix des produits de base et des taux de chômage élevés.
Bahá'a a un peu le sentiment de porter le fardeau de ses parents. Il a l'impression qu'il ne peut pas se tourner vers eux pour parler de ce qu'il a sur le cœur. Alors, il se confie à son seul ami, son chat.
Quand je rentre fatigué du travail, je lui raconte tout ce qui me tracasse. Même si mon chat ne peut pas me répondre, je suis heureux qu'il m'écoute.
Khetem, comprend très bien ce que ressent son fils baha'a. Cela la peine énormément qu'il ait tant de soucis à un si jeune âge.
La crise économique met les liens familiaux sous pression, car les parents ne peuvent plus subvenir aux besoins de leurs enfants, et encore moins satisfaire leurs désirs.
Les enfants éprouvent aussi de moins en moins de respect pour leurs parents. Les mères et les pères de tout le Liban se sentent coupables.
" Quand on voit baha'a travaillant avec son oncle, on a l'impression qu'il est déjà un homme .... bientôt, nous n'aurons plus aucune autorité sur lui... il dit déjà : 'Je peux faire ce que je veux'", explique Khetem.
Son mari Mohamed ajoute qu'il se sent extrêmement fatigué et qu'il échoue à assumer son rôle de père.
"Nous sommes pieds et poings liés... Si nous ne sortons pas de la pauvreté, qu'adviendra-t-il de notre fils ? C'est à cela que je pense en tant que père", soupire Mohamed.
Les parents se sentent très frustrés parce qu'ils doivent faire des choix quant à ce qu'ils peuvent donner à leurs enfants.
Les études de l'UNICEF montrent également que 36 % des parents sont moins tolérants envers leurs enfants lorsque la structure familiale se désagrège.
Dans l'ensemble du pays, on observe une augmentation de la violence depuis le début de la crise économique parce que les habitants ne savent plus quoi faire pour assurer leur moyens de subsistance.
Cette situation a également des conséquences négatives sur les enfants, car la violence a souvent lieu dans les rues, entre les communautés, et dégénère parfois en conflits armés, ce qui empêche les enfants, en particulier les jeunes filles, de jouer dehors.
Depuis sept décennies, l'UNICEF travaille au Liban pour améliorer la vie des enfants et de leurs familles, quels que soient leur nationalité ou leur statut. Pour les soutenir en ces temps difficiles, l'UNICEF a élargi ses programmes et apporte une aide vitale aux enfants et aux jeunes de toutes nationalités. Nous protégeons leurs droits et les aidons à réaliser leur plein potentiel.
L'UNICEF a renforcé ses programmes de nutrition, de santé mentale et de protection des enfants les plus vulnérables.
Après les explosions à Beyrouth, nous sommes intervenus très rapidement. Nous avons distribué de la nourriture et des produits d'hygiène, apporté un soutien psychosocial, fourni une aide en espèces aux familles sinistrées et contribué à la restauration des installations sanitaires, des écoles et des infrastructures d'approvisionnement en eau. Nous avons également coordonné un programme de mobilisation des jeunes pour déblayer les décombres, réparer les maisons et distribuer des repas aux familles les plus vulnérables.
Une reprise économique inclusive soutenue par une réforme financière et la création d'emplois sera indispensable pour lutter contre la pauvreté des enfants au Liban, afin que des enfants comme les Baha'a puissent envisager l'avenir avec espoir et sérénité.