Aujourd’hui nous célébrons la Journée mondiale de l’eau. Une journée qui doit nous rappeler le lien indissociable entre cette ressource essentielle de notre planète et la santé. L’eau potable et les mesures d’assainissement et d’hygiène qui vont de pair avec elle, constituent en effet des garde-fous indispensables contre de nombreuses maladies, notamment contre le choléra qui effectue un grand retour depuis quelques années. Nous devons agir face à cette nouvelle menace qui touche de plus en plus de pays.
En silence, le choléra sème actuellement la mort et le chaos, particulièrement en Afrique de l’Est. L’absence d’infrastructures sanitaires, le manque accès à l’eau potable et le changement climatique favorisent la propagation d’une maladie qui touche particulièrement les enfants. Pourtant, le choléra peut être éradiqué.
L’épidémie se propage loin des regards. Elle ne mobilise pas vraiment la communauté internationale et n’émeut pas les citoyens européens, qui, la plupart du temps, ignorent tout de son existence. C’est bien le choléra qui fait son grand retour depuis 2021 et frappe les plus fragiles. Il se déploie, loin des radars médiatiques, au Malawi, en Zambie, au Zimbabwe et réapparaît dans des pays où on le pensait disparu, en Afrique du sud, au Liban ou en Syrie, charriant son lot de souffrances. En février dernier, le Zimbabwe recensait officiellement 24.525 cas – un chiffre bien inférieur à la réalité – et 528 décès. En Zambie, 374 décès ont été enregistrés depuis le premier cas comptabilisé, en octobre 2023. Dans ce pays, la rentrée scolaire de 4,3 millions d’écoliers a dû être décalée pour tenter d’endiguer la propagation de la bactérie. En tout, 13 pays d’Afrique du Sud et de l’est font face à la recrudescence du choléra qui a provoqué la mort d’au moins 3.000 personnes et touché en premier lieu des enfants et adolescents. Les taux de létalité du choléra atteignent parfois jusqu’à 5% des personnes infectées, comme c’est le cas, actuellement, à Moroni, aux Comores. Le choléra est donc toujours aussi fatal. Il fragilise le tissu social et les systèmes de santé de pays confrontés à d’innombrables défis ; à commencer par l’extrême pauvreté.
La maladie est connue depuis le 19e siècle. La bactérie Vibrio Cholerae (ou vibrion cholérique), qui se développe dans des eaux saumâtres, se contracte par la consommation d’eau ou d’aliments contaminés, puis se transmet notamment par contacts interpersonnels. Elle est particulièrement virulente dans des zones très denses, là où les systèmes d’assainissement des eaux et l’accès à l’eau potable sont inexistants, où l’hygiène est défaillante. En l’absence de prise en charge, cette maladie diarrhéique peut s’avérer fatale en quelques heures et ce sont les enfants malnutris qui sont les plus enclins à mourir. La propagation de cette bactérie est révélatrice des déficits structurels des systèmes de soin, de l’infrastructure sanitaire et des inégalités sociales qui prévalent dans les pays les plus pauvres. « Les foyers d’infection du choléra conjuguent boom démographique et infrastructures sanitaires déficientes », expliquait, dans le journal Le Monde, Didier Bompangue, professeur d’écologie des maladies infectieuses à la faculté de médecine de l’université de Kinshasa.
Les connaissances scientifiques permettent désormais d’affirmer que le changement climatique amplifie les conséquences des épidémies de choléra. Les sécheresses prolongées favorisent la prolifération de la bactérie, alors que les évènements climatiques extrêmes sont un facteur de sa propagation. La destruction des systèmes d’assainissement des eaux, des centres de soins pousse les sinistrés à puiser dans des zones contaminées. Les déplacements de population induits par les catastrophes climatiques créent de nouveaux foyers de contamination. Au printemps 2023, le cyclone Freddy a frappé le Malawi et le Mozambique, détruisant sur son passage les routes, les infrastructures, les centres de traitement du choléra.
Voilà pour le diagnostic. Il n’est pas réjouissant. Mais baisser les bras serait « moralement injustifiable », pour reprendre les mots de Petra Khoury, Directrice du Département Santé et Soins de la Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Car le choléra se guérit facilement. La plupart du temps, l’administration d’une solution de réhydratation orale suffit. Dans les cas plus sévères, on peut procéder à une réhydratation par voie intraveineuse ou prescrire des antibiotiques. Un vaccin anticholérique oral est en théorie disponible, mais sa production ne suit pas les besoins. Pour faire face à l’épidémie, le Groupe international de coordination pour l’approvisionnement en vaccins a dû prendre une décision radicale en recommandant l’administration d’une simple dose, à la protection plus incertaine, plutôt qu’une double-dose.
Sur le terrain, l’UNICEF et l’Organisation Mondiale de la Santé redoublent d’efforts pour distribuer des vaccins, des kits de diagnostic, des sels de réhydratation orale, du chlore pour la désinfection. Mais les moyens manquent. En mai 2023, l’UNICEF lançait un appel à l’action. 480 millions d’euros étaient nécessaires pour répondre aux besoins urgents des populations, en particulier des enfants, et pour juguler l’épidémie. Les besoins d’investissement pour l’accès à l’eau potable et aux soins de santé sont criants.
Il est injuste de laisser mourir des populations d’une maladie qui se guérit aisément. Alors que des ressources humaines, financières et scientifiques considérables avaient été mobilisées pour endiguer au plus vite la pandémie de COVID-19, les quelques moyens dégagés face au choléra, pour tenter d’éviter le pire, sont largement insuffisants. C’est pourquoi nous appelons à la solidarité des citoyens et des gouvernements, dont l’aide peut véritablement faire toute la différence. Car il n’est jamais trop tard.
Christèle Devos,
Directrice générale d’UNICEF Belgique