Comment appréhender la complexité des crises humanitaires ? Quelles solutions mettre en œuvre pour protéger les enfants des régions affectées ?
Dans un monde de plus en plus enclin aux conflits et aux crises, ces questions restent au centre des préoccupations. C’est dans ce contexte qu’UNICEF Belgique, Plan International Belgique et le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au Développement ont organisé une conférence internationale rassemblant près de 210 personnes, dont 27 orateur·rices. Une occasion unique de relancer le débat public et d’appréhender ensemble le monde de demain.
Aujourd’hui, nous comptons un nombre de conflits sans précédent à l’échelle mondiale puisqu’on en dénombre plus de 120. Parallèlement, le nombre d’enfants affectés par les crises humanitaires est plus élevé que jamais. « Si nous n’agissons pas tout de suite, la situation actuelle ne fera qu’empirer », a dénoncé Geert Cappelaere, ancien représentant de l’UNICEF auprès des institutions européennes et expert en droits de l’enfant.
La Convention relative aux droits de l’enfant fut adoptée en 1989 et a fêté son 35e anniversaire le 20 novembre 2024. Une date symbolique à laquelle l’UNICEF a publié son rapport « La Situation des enfants dans le monde : l’avenir de l’enfance dans un monde en mutation », que vous pouvez télécharger dans cet article.
Dans les différentes salles du Palais d'Egmont à Bruxelles, où s’est tenue ladite conférence, quatre thématiques (abordées ci-dessous) ont fait l’objet d’une mise en exergue.
1. La protection des enfants dans les conflits armés
La multitude de crises humanitaires que le monde connait actuellement touche près de 400 millions d'enfants, soit un enfant sur cinq à l’échelle mondiale. Une violence plus élevée que jamais débouchant notamment sur des attaques contre les écoles, affectant de surcroit le droit à l'éducation. En 2022 et 2023, la Coalition mondiale pour la protection de l'éducation contre les attaques (GCPEA) en a d’ailleurs recensé près de 6.000 contre des étudiant·es, des éducateur·rices, des écoles et des universités, ainsi que des cas où des installations éducatives avaient été utilisées à des fins militaires. Ce type d’attaques a augmenté de près de 20% par rapport aux deux années précédentes.
Un constat qui met en lumière l’importance de l’éducation et l’effet salvateur qu’elle peut avoir. C’est notamment le cas des enfants impliqués dans des conflits armés. Il est donc essentiel de reconnaître que l’école protège les enfants et réduit le risque d’exposition à de nombreuses formes de violence : mariage et travail forcé ou encore recrutement dans les forces armées.
« La perte d'éducation et d'opportunités rend les enfants plus vulnérables à d'autres violations graves et a des effets durables sur leur développement social et économique, ainsi que celui de leur communauté », a déclaré Virginia Gamba, représentante spéciale des Nations unies pour les enfants et les conflits armés.
2. La crise climatique comme crise des droits de l’enfant
Aujourd’hui environ 1 milliard d’enfants, soit près de la moitié des enfants de la planète, sont exposés à un risque extrêmement élevé à cause des effets du changement climatique. Les études démontrent d’ailleurs que huit fois plus d'enfants seront exposés aux vagues de chaleur dans les années 2050 que dans les années 2000. Les conséquences pour leur santé et leur bien-être, ainsi que pour la stabilité et la résilience de leurs communautés sont profondes.
Nous rappelons que la crise climatique est d’abord une crise des droits de l’enfant. C’est même l’un des plus grands défis en la matière. Partout dans le monde, l’ampleur des catastrophes climatiques bouleverse la vie de millions d’enfants. À noter qu’il existe aussi de grandes injustices en matière de climat. C’est notamment le cas des pays plus pauvres, qui ne sont pourtant responsables que d’une très petite partie des émissions de CO2 à l’échelle mondiale.
Lors de la conférence, Sa Majesté la Reine s’était exprimée sur le sujet : « Bien que ces questions soient complexes, l'opinion des enfants devrait être sollicitée de manière proactive et dûment prise en compte dans l'élaboration et la mise en œuvre des mesures politiques visant à lutter contre la crise climatique. »
Deux jeunes défenseuses du climat, originaires du nord-est du Nigéria, ont également pris la parole pour faire un état des lieux de la situation dans leur pays. Fatima et Halima sont en charge d’un projet sur l'impact genré du changement climatique vis-à-vis des jeunes adolescents de la région du Sahel. Voici leurs témoignages respectifs :
« Nous avons besoin d'une approche inclusive pour prévenir et atténuer l'impact du changement climatique. Nous devons veiller à ce que les filles soient entendues et à ce qu'elles participent au changement. » (Halima, 24 ans)
« Au-delà des crises liées au climat, les adolescentes sont confrontées à des défis allant de l'insécurité à la violence, ce qui les rend vulnérables de toutes les manières possibles. » (Fatima, 23 ans)
3. Les besoins spécifiques des filles lors de crises
Si les inégalités de genre ont toujours existé, il est important de rappeler que les crises exacerbent les risques préexistants de discrimination à l'égard des filles et génèrent de nouvelles formes de préjugés. Les adolescentes, en particulier, sont souvent oubliées dans les situations d'urgence alors qu’elles sont davantage exposées aux violences sexuelles et sexistes. Il a en effet été démontré que la violence sexuelle augmente en période de crise et qu'elle est souvent utilisée comme arme de guerre. À noter que si l’inverse est également vrai, 90% des cas de violence sexuelle ont été perpétrés à l'encontre de filles.
On dénombre également de nombreuses formes de violations des droits en matière de santé sexuelle : stérilisation/avortement forcé, excision, grossesse forcée, criminalisation de l'avortement, refus ou retard d'un avortement sûr et/ou de soins post-avortement, violences et mauvais traitements… Quant aux services prodigués, ils sont souvent soumis à une discrimination structurelle et constituent des formes de violence fondée sur le genre.
Parallèlement, l'éducation des filles continue d'être spécifiquement ciblée. D'ici 2030, on estime que 110 millions de jeunes femmes et de filles qui devraient avoir accès à l’éducation risquent de se voir refuser cette possibilité. Lors de conflits, elles sont également les premières à abandonner l’école et les dernières à y retourner.
4. La santé mentale lors de situations d’urgences
Dans le monde, plus de 250 millions d'enfants et d'adolescent·es souffrent de troubles mentaux. Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg puisque de nombreux cas ne sont toujours pas détectés et/ou recensés. En Belgique, la problématique concerne 16,3% des enfants et des jeunes entre 10 et 19 ans. En ce qui concerne le suicide, il reste la cause la plus fréquente de décès chez les jeunes de 15 à 29 ans.
L'un des facteurs de risque les plus puissants est l'exposition à des événements potentiellement mortels tels que les situations d'urgence. En mai 2024, l'Assemblée mondiale de la Santé (AMS) a franchi une étape historique en adoptant à l'unanimité une résolution sur la santé mentale et le soutien psychosocial dans les situations d'urgence.
« Nous devons agir maintenant, très rapidement, et ne jamais oublier que nous sommes responsables des enfants et des jeunes », a déclaré Najat Maala M'jid, représentant spécial des Nations unies sur la violence à l'encontre des enfant.
Quelques points d’attention
- La Convention des droits de l’enfant doit constituer le socle de référence des gouvernements, des entreprises et de la société civile lors de l’élaboration de politiques.
- Nous devons développer et étendre les infrastructures résistantes au changement climatique, en particulier pour les écoles et les habitats.
- Nous devons investir dans les énergies vertes et veiller à ce que les besoins des enfants soient pris en compte dans le financement de la lutte contre le changement climatique.
- Il est nécessaire de mettre la santé mentale au centre des préoccupations et de l’intégrer dans le parcours éducatif.
- Il est essentiel d’inclure les enfants et les jeunes dans les prises de décision.
- Il faut assurer l’autonomie économique des jeunes filles et des femmes afin qu’elles soient moins exposées aux violences genrées.
Certains leviers d’action
- Placer les droits de l'enfant et leur protection au cœur de notre réponse collective aux crises humanitaires croissantes.
- Saisir toutes les occasions de plaider en faveur des changements nécessaires pour mettre fin aux attaques contre les enfants ou aux refus d'accès à l'aide humanitaire et pour faire en sorte que chaque enfant puisse bénéficier d'une réponse adaptée, fondée sur les engagements pour les enfants dans l’action humanitaire.
- Ne pas accepter que les violations restent impunies.
- Travailler de toute urgence en collaboration afin de disposer des fonds nécessaires pour atteindre efficacement les enfants dans le besoin avant qu'il ne soit trop tard.
Vous souhaitez en savoir plus ?
Les résultats de notre conférence internationale seront prochainement publiés sur notre site web. Si vous souhaitez en apprendre davantage sur certaines problématiques et leur lien étroit avec les droits de l'enfant, écoutez notre podcast « Parlons-en ! »